Astrid est une militante. Passionnée par les mouvements paysans, elle a réussi à associer son goût pour l’écriture, la recherche, la construction d’argumentaires, à l’ESS et l’agroécologie.
Chouchouna Losale – Portrait de femme engagée
Chouchouna est la cofondatrice et chargée de programme de la Coalition des Femmes Leaders Pour l'Environnement et le Développement Durable (CFLEDD) en République démocratique du Congo. Passionnée par les droits des filles et des femmes, elle se concentre principalement sur les questions de genre face au droit à la terre et à la gestion des ressources naturelles.
Quel est l’objectif de votre plaidoyer ?
Nous avons créé CFLEDD en 2013 pour défendre les droits fonciers des femmes rurales et autochtones en RDC, et pour promouvoir le leadership des femmes dans les processus de gouvernance forestière, les solutions au changement climatique et les initiatives REDD+ (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts). Nous voulons rendre aux femmes et aux filles leur capacité à utiliser leurs compétences, à améliorer leurs capacités et à lutter pour leurs droits elles-mêmes. Ma mission est de faire progresser la position des filles et des femmes dans la société grâce à l'accès, à la sécurisation et à la gestion des terres et des ressources naturelles. Mais nous ne nous concentrons pas uniquement sur les droits à la terre. Il est important d’encourager l’éducation, car c'est l'éducation qui peut ouvrir la voie à un avenir indépendant en tant que femme.
Pourquoi faire du plaidoyer?
L'avancement de la position des femmes dans la société, et leur capacité à se construire un avenir indépendant et durable, est la clé de notre avenir à toutes et tous ! Je crois qu'il est important pour la société civile de défendre les droits humains, et notamment les droits des femmes, car c'est la base de tout. Sans cela, nos actions sur le long terme n'ont pas de sens.
Une Victoire?
En 2018, CFLEDD a reçu le prix "Women and Gender Constituency Gender-Just Climate Solutions" dans la catégorie "solutions transformationnelles". Ce prix, décerné lors d'une cérémonie à la COP24, vise à présenter des solutions réelles pour une planète plus juste, plus égale et plus saine. Il souligne le travail accompli par les militants, les organisations de base et les organisations dirigées par des femmes qui travaillent sur les questions liées au changement climatique. Nous avions un projet: "Soutenir les droits fonciers des femmes en encourageant la participation des femmes à la réduction de la déforestation en RDC ", au sein duquel nous avons mené un plaidoyer intense dans 4 régions de la RDC pour que les autorités nationales et les chefs coutumiers reconnaissent les droits des femmes sur les terres et les forêts et renforcent leur participation à l'action climatique. Sur la base d'une évaluation des droits fonciers légaux des femmes et des pratiques locales, un outil de plaidoyer a été créé et utilisé pour les réunions organisées entre les femmes de ces provinces et les autorités ministérielles ou les décideurs locaux. Le projet a permis une participation accrue des femmes aux actions climatiques dans les régions ciblées : Congo Central, Bandundu, Équateur et Sud-Kivu. Cela a conduit à la reconnaissance du rôle des femmes dans la gestion des forêts et le développement communautaire, et à l'attribution de terres pour des projets d'agroforesterie.
Qu’est-ce que le métier de directrice d'une organisation engagée dans le plaidoyer ?
En tant que fondatrice et présidente de CFLEDD, je porte plusieurs chapeaux, dont celui de plaidoyer. J’agis en tant que guide et soutien pour les filles et les femmes, en tant défenseuse de nos droits, de médiatrice, de représentante, de facilitatrice et de coach ! Il n'y a pas une seule façon de résumer mes rôles et responsabilités, chaque situation est unique et requiert des compétences différentes, et je m’y adapte. L'une des choses les plus importantes pour moi quand on porte un plaidoyer pour les droits des femmes est d'être un modèle - non seulement pour les femmes avec lesquelles elle travaille, mais aussi pour la société dans son ensemble. Pour moi, en tant que femme, défendre nos droits va au-delà de mes tâches, et touche à que nous sommes. Je me dois aussi d’être un modèle pour les autres femmes.
Quel est votre parcours?
J’ai toujours été passionnée par les droits des femmes. Mon objectif est de permettre aux jeunes filles et aux femmes de réaliser et de capitaliser leurs capacités, d'être fortes et de se sentir confiantes et indépendantes tout au long de leur vie. Après mes études universitaires, j’ai travaillé pour le gouvernement congolais en gérant des programmes conçus pour protéger les droits des femmes et des enfants. Pour moi, c’était une façon d’aider les personnes les plus vulnérables au sein de ma communauté et j’ai beaucoup apprécié cette expérience, mais j’ai voulu m’engager plus loin en travaillant directement avec la société civile. C’est cette volonté mais aussi mon expérience au gouvernement qui m'a conduite là où je me trouve aujourd'hui, non seulement en tant que présidente et fondatrice de CFLEDD, mais aussi en tant que consultante pour l'UNICEF, Save The Children et d'autres ONG.
Votre plus grande difficulté ?
Souvent, j’entends le manque de financements cité comme l’une des grandes difficultés pour la défense des droits humains. C’est vrai, cela peut être un souci, mais c’est loin d’être la principale difficulté. De mon côté, le plus difficile est de faire face aux malentendus culturels et aux idées fausses sur les femmes contre lesquels je dois me battre au quotidien. Ces problèmes rendent mon travail encore plus important, mais sont un défi à relever pour changer la société profondément. Je m'efforce constamment de sensibiliser à l'égalité de genre non seulement dans l'espace public, mais aussi dans les foyers. Souvent, les maris eux-mêmes des femmes qui travaillent avec CFLEDD ont le sentiment que l'indépendance de leur femme menace la sécurité de leur mariage. C'est un combat quotidien de montrer comment l'indépendance et la sécurité financière d'une femme sont dans l’intérêt de la famille. Si je peux me permettre, la plus grande difficulté quand on mène un plaidoyer pour les femmes, c’est l'égoïsme des hommes, et c’est malheureusement un défi culturel qui prendra des générations à changer.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite s’engager dans le plaidoyer ?
Il faut commencer par se poser beaucoup de questions : Quelle est ma cause ou ma mission ? Qui est-ce que j'essaie d'aider ? Avec qui devrai-je travailler pour atteindre mon objectif ? Qui sont mes cibles ? Quels sont les résultats que nous voulons obtenir à la fin ? Plus important encore, il est essentiel de définir son message et de trouver les canaux de communication appropriés pour atteindre ses objectifs avec succès. Sans un message clair et des canaux de communication appropriés, notre mission risque de ne pas être très efficace, car elle n'atteindra pas les bonnes personnes de la bonne manière. La planification et la stratégie sont la clé.
Pour plus d'informations sur le travail de Chouchouna au sein de CFEDD: http://cfledd.org/